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Du contact

Dernière mise à jour : 8 sept.


Les informations extérieures nous parviennent principalement par les extérocepteurs que sont les télérécepteurs (94% par la vue et l’ouïe), et les récepteurs de contact (6% par l’odorat, le toucher et le goût). Dans cet article, nous nous intéresserons aux bienfaits du contact avec autrui, mais nous alerterons également sur les dérives pouvant en découler.


I. Les vertus des interactions humaines


Qu’est-ce que le contact ? Pour le dictionnaire, il s’agit d’un « état ou action de personnes qui sont en relation, qui communiquent entre elles, qui se fréquentent ».

Car en effet, au-delà de la prise d’information simple, le contact avec un autre être humain constitue l'une des formes les plus importantes de communication que nous avons avec les autres. Il peut prendre de nombreuses formes, principalement le regard, la parole et le toucher. Mais le contact peut également avoir un impact significatif sur notre santé mentale et physique ; c’est un élément clé du bien-être humain.

Tout d'abord, le contact peut aider à réduire le stress et l'anxiété.

Lorsque nous sommes en contact avec d'autres personnes, nous avons tendance à nous sentir plus détendus et plus en sécurité. Cela peut être particulièrement important dans des situations stressantes, telles que des situations sociales difficiles ou des moments de crise. Par exemple à une certaine époque, porter le deuil permettait de signaler la période particulièrement éprouvante que nous traversions. L’ensemble de la communauté pouvait alors prendre soin de nous en nous apportant son soutien, ce qui était d’une grande aide pour avancer dans le processus de deuil. Car si le contact stimule la production d'ocytocine, l’hormone de la sociabilité (qui aide à réduire le stress et qui favorise la relaxation), il peut aussi aider à renforcer les liens sociaux et à promouvoir un sentiment de communauté.

Ce pourquoi lorsque nous sommes en contact avec d'autres personnes, nous sommes bien enclins à être plus détendus et à nous sentir en sécurité.


On connaît par ailleurs l’importance des interactions humaines dans le développement physique, social, émotionnel et cognitif de l’enfant depuis le 13ème siècle (Source 1 Source 2 Source 3)


Au regard de ces éléments, on comprend alors mieux l’impact psychologique négatif sur les populations déjà fragiles, des confinements et de la distanciation sociale imposés par la crise Covid-19.


La solitude dans les EHPAD comme l’isolement de certaines personnes ont pu faire autant de dégâts que la maladie elle-même : décès par phénomènes de glissement, tentatives de suicides, dépressions, internements psychiatriques…En somme un véritable bouleversement dans les structures de certaines personnalités (Source 1 Source 2 Source 3).


La privation de contact peut avoir des effets traumatiques aujourd’hui avérés, et pourtant les interactions humaines de contact sont ironiquement inversement proportionnelles à l’essor des technologies de connexions virtuelles.


Cependant nos répertoires téléphoniques sont remplis de « contacts », nos réseaux sociaux sont pleins d’amis et de followers, nous pouvons garder le lien avec des personnes de l’autre bout du monde…Cette profusion de possibilités devient vertigineuse, et nous nous enorgueillissons des chiffres affichés par les compteurs de nos réseaux ; chiffres que nous cherchons sans cesse à faire augmenter dans une escalade de la recherche de popularité.


Mais voilà : les sollicitations virtuelles, s’il y en a, sont contraignantes de par la disponibilité et l’instantanéité qu’elles réclament. Le besoin de contact devient nécessité de représentation du Moi.

D’autre part, nous sommes dans une société du distanciel où le jugement et l’injonction sont omniprésents.


Que ce soit dans le fait de se savoir observables en permanence (caméras de surveillance, téléphones portables d’autrui, open-space), ou encore dans la dissonance amenée par des tournures positives de communication malgré un contenu divergent (novlangue dans les entreprises, recommandations officielles injonctives sur notre santé, réponses types mielleuses des services clients), nous subissons constamment une agressivité passive nous amenant à une hyper vigilance constante.

Le contact est désormais biaisé.


Et bien souvent il nous est refusé au profit de robots et autres chatbots, qui, sous prétexte de simplification, dégradent la qualité des parcours clients.

Nous ne sommes pas loin de l’enfer social présenté dans l’épisode « Chute libre » de la série Black mirror (saison 3, épisode 1).


Or la parole humaine fait pleinement partie des interactions de contact, et on connaît bien les effets nocebo d’un parler non thérapeutique ou tout simplement négatif.

C’est d’ailleurs pourquoi avoir un premier contact avec un praticien de santé/bien-être est essentiel avant de se laisser toucher par ce dernier.


Car qui dit contact dit toucher. En effet une autre définition du dictionnaire pour le terme « contact » est « Position, état relatif de corps qui se touchent ». Etymologiquement, il est ici intéressant de voir que contact vient du latin CUM + TACTUS, autrement dit « touché avec ». Or « Toucher » c’est bien « entrer en contact », mais c’est aussi « atteindre ».



II. Les bienfaits du toucher


Nous l’avons vu, le contact physique fait partie des formes de communication non verbale.

Souvent sous-estimé en termes d'importance pour la santé et le bien-être, le toucher est pourtant une partie fondamentale de la nature humaine, qui peut avoir un impact profond sur notre santé physique, mentale et émotionnelle. Et c’est aussi un formidable outil de connexion humaine.

Tout d'abord, le toucher est important pour notre développement physique dès la naissance. Outre les interactions sociales, les bébés ont besoin d'être touchés et tenus pour se sentir en sécurité et pour se développer normalement. Des études ont montré que les bébés qui sont régulièrement touchés ont un meilleur développement physique et cognitif que ceux qui ne le sont pas (source).

D’ailleurs, saviez-vous que la première capacité sensorielle à apparaître chez le fœtus est le toucher ? C’est sur ce sens que l’enfant va développer son rapport au monde !

En termes de gestion du stress et de l’anxiété, le toucher est également capital : lorsque nous sommes touchés, notre corps libère des hormones telles que l'ocytocine et la dopamine, qui peuvent réduire la tension artérielle, accélérer le rythme cardiaque et induire un sentiment de calme et de bien-être.

Les personnes qui reçoivent régulièrement des câlins ont montré une diminution de la production de cortisol, l'hormone du stress, ce qui contribue à réduire l'anxiété et la dépression.

En outre, le contact physique peut renforcer le système immunitaire.

Une étude menée par l'Université de Carnegie Mellon a montré que les personnes qui reçoivent régulièrement des câlins et des caresses ont une meilleure capacité à résister aux infections, probablement en raison de l'augmentation des niveaux d'anticorps dans leur sang (source 1 source 2).


Dans la même lignée et malgré notre société aseptisée, les effets curatifs du contact direct avec la terre sont désormais prouvés (source 1 source 2 source 3).


Et le toucher peut avoir d’autres effets positifs sur la santé physique : des études ont montré que le toucher peut réduire la tension artérielle et améliorer la circulation sanguine. Le toucher peut également aider à réduire la douleur et à améliorer la récupération après une blessure ou une intervention chirurgicale (source 1 source 2 source 3).


Mais le toucher peut également aider à renforcer les liens sociaux et à améliorer les relations interpersonnelles.

La poignée de main est d’ailleurs depuis longtemps un gage de confiance accordée, et il faut voir comme les humains se précipitent pour câliner un animal (Voir mon article sur la zoothérapie).

Les personnes qui reçoivent des câlins et des caresses régulièrement ont aussi tendance à se sentir plus connectées aux autres et moins seules.



III. Zoom sur le massage


En massage, nombreux sont les bienfaits physiques et psychiques reconnus.

C’est l’adaptation de nos mains aux reliefs du corps qui permet une saisie profonde des tissus. Le massage va ainsi pouvoir redonner de l’espace, de l’élasticité, mais aussi drainer. Ici c’est le principe de mécanotransduction qui se met en œuvre ; l’action mécanique exercée sur une cellule produit une réponse biologique.


En termes de construction de soi, le massage permet notamment quant à lui une meilleure perception du schéma corporel et une structuration nette de la personnalité. Pour le massé, le massage lui permet de retrouver du contour, des limites corporelles. Sa place physique dans le monde est renforcée, et son positionnement psychique stabilisé. Le massage est un excellent outil d’appropriation de son corps et de développement de la confiance en soi. Le toucher bienveillant du masseur permet également de développer la confiance en autrui.


Le massage est un moment d’échange, de partage, où deux corps énergétiques sont en communion, en empathie, jusqu’à parfois ne plus savoir qui s’occupe de l’autre. Il s’agit ici de synchronisation personnelle puisque les deux personnes en contact se reflètent physiologiquement mutuellement.


On touche à l’autre comme on touche à soi-même, et le toucher doit donc se faire en conscience.

Le praticien doit être installé dans son soin, en confiance et sans volonté : on touche au plus profond de l’autre dans le non faire, la non recherche, la simplicité.

D’ailleurs, j’ai souvent noté une transformation intérieure plus importante pour mes clients recevant des massages beauté plutôt que des massages dits thérapeutiques.


En cause leur lâcher-prise et leur absence d’attentes : la neutralité et la confiance permettent au corps de travailler et d’activer ses capacités d’auto-guérison, sans qu’il soit court-circuité avec d’autres informations. L’effet placebo n’est jamais à négliger (Voir mon article sur la confiance dans la guérison).


(Bien souvent, c’est le prix d’une séance pour sa santé qui nous met la pression du résultat, quand pour des soins de beauté on a tendance à ne pas compter. Il faut dire qu’en France nous sommes habitués à ne pas payer directement nos frais de santé !)


De plus, le pouvoir curatif de la main est inné : il faut voir comme on porte la main à un endroit douloureux, chez-nous ou chez nos enfants. C’est instinctif ! La main mère protectrice touche à l’essence des choses, au noyau, à ce qui est humain en l’autre et en nous. Il s’agit d’une connexion d’humain à humain, et le contact avec l’autre est un besoin primaire.


En massage c’est bien la main empathique qui sait où se poser et à quel moment s’arrêter, pour ne pas aller plus loin que ce que le corps de l’autre peut supporter. Il y a une temporalité à respecter, un rythme du corps à écouter.


En bref c’est ici la nature qui nous donne le tempo, alors qu’à l’aire du virtuel et du distanciel toucher est devenu rare, voire paradoxalement proscrit pour des raisons de sauvegarde de la santé. Et pourtant les jugements nous touchent aussi.


Car si on a l’habitude de ne pas se laisser toucher par n’importe qui, et même de se méfier de qui s’approche trop près de nous, en revanche les jugements et commentaires virtuels nous atteignent de plein fouet. Si les modes de contact ont changé, leur incidence émotionnelle et corporelle est tout aussi impactante qu’une claque. La double définition du verbe « toucher » prend alors ici tout son sens.


Les métiers impliquant le toucher ont quant à eux une approche autrement plus délicate de l’autre, en vertu des effets reconnus du toucher physique, et de la méfiance générée par le rapport au corps que l’on évoquera dans la quatrième partie.


En massage par exemple, on débute toujours la séance par une prise de contact, un toucher léger qui a pour but de rencontrer le corps de l’autre en douceur, de créer une première connexion. C’est essentiel pour apprivoiser le corps, et permettre ainsi au receveur de baisser sa garde, de se laisser toucher.

Et d’ailleurs, tout au long de la séance, le praticien veille à ne jamais perdre le contact avec son receveur, afin de le sécuriser au maximum. Mais ne pas perdre le contact, c’est aussi garder une connexion du cœur, une attention, une présence, qui fait toute la différence.



IV. Quand un rapport délétère au corps dégrade l’acte du toucher


Notre peau est une barrière protectrice, et d’instinct nous sommes attentifs à ce qui nous touche physiquement pour notre propre protection.


La culture européenne occidentale n’invite pas non plus à une profusion de contacts physiques ni à des activités corporelles. Au contraire depuis le 18ème siècle notamment, notre société moderne promeut plutôt l’activité intellectuelle, on n’écoute plus l’intelligence émotionnelle et on se déconnecte de notre corps.


Depuis longtemps le corps est d’ailleurs vu comme une partie inférieure, sale, qu’il faut cacher, qu’il faut soumettre, dont il faut contrôler les pulsions. On le traite comme une entité dissociée de notre esprit, incontrôlable, voire bestiale. La religion a beaucoup œuvré en ce sens en nous enseignant entr’autres que la chair est faible.


Dans l’inconscient collectif, il faut donc maîtriser ce corps, et toucher est donc un acte impropre, perverti. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les premières infirmières au Moyen-Age étaient des prostituées réquisitionnées : leur métier leur permettait de toucher d’autres corps, ce qui n’aurait pas été convenable pour des citoyens aux bonnes mœurs.


Il me semble que les infirmières pâtissent d’ailleurs toujours du fantasme de la blouse blanche, tout comme les masseuses qui subissent régulièrement des comportements inappropriés.

Au regard des explications précédentes, on comprend aisément l’ambiguïté qui reste collée à l’acte du toucher, d’autant plus lorsque les prostituées actuelles se présentent officiellement comme masseuses sur la toile.


Les métiers où l’on touche au corps de l’autre doivent souvent faire face à des situations abusives qui nécessitent un cadrage sécuritaire pour tout un chacun.


Pour un receveur qui n’a pas l’habitude d’être touché, des émotions peuvent émerger qui peuvent créer de la confusion.


Car lorsque quelqu’un prend soin de nous, nous avons vu que nous générions de l’ocytocine.

Or cette hormone est également appelée « hormone de l’amour » et elle génère les même émotions que lorsque nous sommes amoureux. Psychologiquement également, avoir de l’attention de la part d’autrui peut amener à une confusion des rôles. La connexion avec l’autre comme la reconnexion à soi peuvent être perverties, davantage encore lorsque la personne qui prend soin de nous est genrée selon notre appétence.


Le toucher maternant peut alors aboutir à une confusion avec un désir de relation intime, dans la mesure où quelqu’un prend soin de nous et nous touche là où l’on n’a pas l’habitude d’être touchés. Car alors on s’abandonne, on se livre, on se met à nu, et ça, ça nous touche. Un lien avec l’autre se crée qui paraît unique, les sens sont réveillés.


Le principe de cohérence peut également inciter à poursuivre une relation en-dehors du cadre de la relation d’aide. Il ne faudra d’ailleurs pas non plus ici négliger le pouvoir hypnotique de la relation aidant-aidé, où le professionnel a un ascendant sur son receveur alors vulnérable et influençable.


J’aime beaucoup l’expression justement imagée : « mon sort est entre vos mains ». Elle implique une forte relation de confiance et une posture professionnelle droite.


Avoir un praticien ancré, aligné, avec une étique irréprochable sera alors indispensable, afin d’éviter toute relation abusive (limites dépassées par le receveur, emprise psychologique du praticien…Ca va dans les deux sens !).


Le toucher se doit de rester sain.


Les bienfaits du massage sont trop importants pour continuer à associer cette spécialité à des pratiques douteuses. Même pour rire.


Car le massage fait une place importante à l’expression de soi en créant un espace de rencontre entre le corps et le psychisme. Cela permet d’exprimer des émotions, de verbaliser. Il permet au corps de s’exprimer. Peu importe ce qui ressort d’une séance de massage, l’accueillir avec bienveillance et en parler est primordial, car la réaction du corps est normale, et elle ne ment pas.


Souvent non visible, la construction thérapeutique est trop essentielle dans un soin corporel pour que la pratique n’en soit pas respectée : par exemple, il peut s’agir en shiatsu d’une rupture de pattern provoquée par un rythme donné via un enchaînement de katas et suivi d’une interruption subite sous forme de pause fluidique.


Evidemment, en plus de se départir des biais cognitifs dus à notre histoire, à notre culture, en lien direct il faudra également revoir notre éducation. En effet les comportements masculins déviants que je rencontre en cabinet cherchent en fait bien souvent une attention maternelle tout en le confondant avec du désir sexuel. C’est œdipien !


J’y vois le plaisir du détournement notamment inculqué par l’auto éducation sexuelle construite via les films X, mais encore un comportement infantile où l’homme va chercher un recadrage, des limites presque parentales, en provoquant et en négociant à tout va.


Y’a-t-il un lien avec une société vétuste encourageant les mères à être trop permissives avec leurs fils chéris ? Avec l’absentéisme des pères ? Ou avec les émotions refoulées des petits garçons d’hier, aujourd’hui devenus des hommes en détresse affective ?


En tous cas je constate dans ces abus un besoin d’exister dans le regard de l’autre, et une soif de contact jamais assouvie car mal dirigée.



V. Conclusion


Le contact via notamment le toucher, est un aspect important de la santé et du bien-être humains.


Dans cet article nous avons mis l’accent sur le massage car la dimension d’accueil s’y épanouit dans tous les tenants et aboutissants de la notion de contact : le soin débute avant même le toucher, quand le receveur arrive au cabinet, voire lorsqu’il appelle pour prendre rendez-vous, et s’arrête quand il quitte le cabinet.


Les personnes qui expérimentent régulièrement des interactions physiques peuvent bénéficier d'une réduction du stress et de l'anxiété, d'un renforcement de leur système immunitaire, d'une amélioration de la qualité de leur sommeil et d'une meilleure qualité de vie en général.

Il est important de noter que le toucher peut aussi être mal utilisé et causer du mal-être. Les agressions physiques, le harcèlement sexuel et d'autres formes de violence peuvent causer des traumatismes physiques et psychologiques. Il est donc essentiel de veiller à ce que le toucher soit approprié, respectueux et consenti.

S’il est primordial de faire attention aux limites et aux préférences de chacun en matière de contact physique, lorsqu’il est approprié, le toucher est une forme importante de connexion humaine qui peut avoir des effets positifs durables.

Changer notre rapport au corps et se reconnecter avec notre intelligence émotionnelle est essentiel à un bon équilibre psycho-corporel.


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