Des rythmes de vie non équilibrés dans une société de l’excès, le syndrome de la cocotte-minute
A l’entrée en 2020, quel moment plus propice pour faire un bilan ?
· J’ai toujours pensé que la relation salarié-entreprise était un échange commercial reposant sur la fourniture d’un service de compétences contre une rémunération.
Après avoir passé plus de douze ans à travailler en bureau à divers postes et pour différents employeurs, je constate que cet échange n’est pas du tout équilibré.
Nous avons beau sacrifier des heures assis derrière un bureau à fixer un écran, même une fois notre journée de travail terminée, alors que nous devrions être libérés de notre activité sédentaire, nous sommes encore au service de notre patron.
En effet, le professionnel déborde sur la sphère personnelle : quoi qu’on en dise il n’y a pas de droit à la déconnexion, nous sommes sollicités en permanence et de toutes parts via plusieurs canaux de communication.
Avec les nouvelles technologies et à l’ère du digital tout va plus vite et nous nous sommes rendus disponibles à tout moment. Pour exemple, les messageries instantanées où l’on peut voir si la personne a reçu ET lu le message envoyé ; une réponse immédiate de sa part est donc logiquement attendue par l’expéditeur.
Lorsque l’on sait en plus qu’en France il est bien vu de terminer tard - signe d’investissement professionnel soi-disant proportionnel au niveau de salaire « mérité » - on se rend compte que l’on ne déconnecte alors jamais vraiment du travail.
La médecine traditionnelle chinoise va résumer cet excès d’activité professionnelle et cet abus d’écrans par la phrase « le jour déborde sur la nuit » ; entendons « jour » par son aspect Yang traduisant l’action et « nuit » pour le Yin correspondant au repos. Or une vie saine se caractérise par une complémentarité équilibrée du Yin et du Yang.
· Ce fonctionnement en entreprise est caractéristique d’une société challenging où nous sommes constamment en recherche de la performance, qu’elle soit physique ou mentale.
Pour compenser le surinvestissement professionnel, nous cherchons naturellement à pratiquer des activités physiques sur notre temps personnel, et nous avons le choix ; d’ailleurs nous aimerions bien tout essayer !
Nous avons coutume de penser que faire du sport contrebalance le travail sédentaire, décharge les tensions : ne dit-on pas « un esprit sain dans un corps sain » ?
Or ici plutôt que de compenser nous allons cumuler : travail excessif + activité sportive excessive.
En effet, l’activité physique qui à la base devrait générer du bien-être, s’entend là encore avec un double objectif sous-jacent : performance physique et, depuis les années 80, modelage du corps en fonction des canons de beauté du moment. Nous sommes éduqués dans le culte de la performance quel que soit le domaine et ne devons surtout pas abandonner, car il n’y a pas d’essai possible, seulement des échecs que la société retiendra.
Nous vivons en fait au sein d’une société culpabilisatrice où l’on se met la pression permanente du « il faut ».
Pèse alors sur nous une pression sociale constante pour toujours être occupés, intéressants, performants. D’ailleurs est-ce que nous ne publions pas fièrement sur les réseaux sociaux nos chronos de running ?
· Les temps de repos que nous nous accordons ne sont pas en accord avec le bon sens naturel. Nous avons adopté un système de congés « pris en bloc » : en général 3 à 4 semaines en été et peu, voire pas de congés en hiver.
Or si l’on observe la nature, c’est bien en hiver qu’elle se met au repos et en été qu’elle connaît son expansion, boostée par un ensoleillement optimal. Quant à nous nous faisons l’inverse, et c’est en hiver, lorsque nous aurons le moins d’énergie que nous travaillerons le plus. Littéralement, nous ne verrons alors pas le jour.
En revanche nous prendrons des vacances lorsque les journées seront longues et chaudes, que nous aurons de l’énergie et donc l’envie de voyager, qui pour sortir de son quotidien, qui pour découvrir l’ailleurs.
Mais le voyage si tant est qu’il se passe de surcroît dans un pays sur un fuseau horaire décalé du nôtre et avec un climat différent de celui que nous connaissons, va fatiguer davantage notre organisme qui essaie sans cesse de s’adapter. Nous serons alors jetlagués en rentrant, connaîtrons des problèmes digestifs ou tomberons malades facilement.
D’autre part les congés d’été sont-ils vraiment reposants ? Nous sommes nombreux à être en quête de sensations, à vouloir se changer les idées ou ici aussi à soigner le paraître sur les réseaux au travers de publications alléchantes…Et l’essentiel : avoir de quoi surenchérir quand notre collègue ultra branché nous racontera qu’il a fait un stage de médecine ayurvédique sur planche à voile….
Par conséquent en croyant bien faire, nous épuisons en fait notre organisme en lui donnant du travail pour le retour à la normale, alors que, dans l’idéal, il faudrait s’accorder du repos au quotidien et pas 1 à 2 fois par an.
· Que ce soit au travail ou dans sa vie personnelle, nous nous fixons des objectifs et ne sortons finalement jamais du mental, sur-anticipant et ne vivant donc pas dans l’instant présent.
En voulant tout gérer à la perfection, nous ne prenons jamais de temps pour nous-même, nous ne nous autorisons pas à nous amuser, nous ennuyer, abandonner…Intersubjectivité quand tu nous tiens !
Nous devons être performants au travail, polyvalents (i.e. les exigences des annonces de recrutement), savoir gérer la pression, mais également être zen, équilibrés, bien dans notre corps tout en soutenant des rythmes professionnels tendus, réaliser des objectifs toujours plus élevés, pour ensuite se dépenser à l’excès afin de décompresser.
J’ai une révélation à vous faire : nous n’avons pas de soupape, donc arrêtons de nous prendre pour des cocottes-minute !
A notre porte, le burn-out - reconnu comme maladie professionnelle par l’OMS - mais également l’AVC. Ces deux maux sont des implosions, signe que la machine s’est emballée et a surchauffé. Le mental ne s’est pas arrêté et le corps, qui pourtant a essayé de tenir aussi longtemps que possible, a fini par dire « stop » de la seule manière qu’il connaît : en arrêtant de fonctionner.
Non ce n’est pas anodin, on ne peut pas reprendre sa vie comme si de rien n’était après avoir vécu un burn-out ou un AVC ; il y a des séquelles physiques et psychiques.
En Shiatsu il faut 1 an de traitement à raison d’1 séance d’1H00 tous les 15 jours pour rééquilibrer le corps et l’esprit ; ça vous parle ?
Et si nous nous accordions une pause pour prendre du recul et repenser notre manière de faire ?