Cycle Optimiser la relation praticien-receveur 2: rôles et interactions pour un partenariat efficace
Partie II : De la nécessité de facturer ses services
Pour nombre de praticiens il est difficile de demander de l’argent, surtout que comparé à un salaire lambda, un soin « c’est cher ». Il faut dire que dans notre héritage historique à tradition judéo-chrétienne, l’argent occupe à la fois une place très importante (sécurité, réussite), et est aussi victime d’un tabou pesant (péché, jalousie).
Amis thérapeutes, il convient de désacraliser l’argent et de vous renarcissiser par la même occasion !
II De la nécessité de facturer ses services
Les travailleurs indépendants ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour obtenir une rémunération, mais parfois demander à se faire payer est difficile, d’autant plus dans le domaine des médecines douces.
Effectivement il est courant de se heurter à la croyance selon laquelle le soin doit être un don inconditionnel, et que demander à être payé en échange revient à être quelqu‘un d’intéressé, voire de profiter des gens en situation de faiblesse…
D’autre part, tout comme dans le l’univers artistique, les sollicitations pour travailler gratuitement sont nombreuses, et présentent toujours les mêmes arguments : être mis à l’essai, nécessité de se faire connaître, don dans un cadre solidaire, etc.
Or toute prestation réalisée est constitutive d’un échange commercial, qui doit à ce titre être rémunéré.
J’aimerais illustrer mon propos avec les nombreuses initiatives que l’on voit éclore depuis mars 2020 suite à l’ordre de confinement général dû à l’épidémie du COVID-19.
Pour pallier à la fermeture des cabinets et à l’enfermement du public, de nombreux thérapeutes se sont mis à proposer des sessions live gratuites. Si l’idée d’origine est noble, sa mise en place a généré une pléthore d’offres concurrentielles dont on ne sait même plus si elles émanent de professionnels ou non, remettant ainsi en question leur qualité.
Dans le milieu professionnel, il a donc fallu faire face à une surenchère d’offres pour lesquelles nombre de praticiens se sont sentis obligés de ne pas faire payer le public, qui par réaction empathique face à la situation générale difficile, qui pour suivre la ligne de ses confrères.
Si le positif a pu être de faire découvrir des pratiques aux personnes confinées, la toile est désormais saturée de propositions parmi lesquelles il est difficile -voire impossible- d’opérer un tri qualitatif.
De plus les personnes suivant les sessions proposées ne le font que parce que c’est gratuit, et donc sans trop s’investir car « ça ne coûte rien ». Très peu d’entre elles entreront dans une véritable démarche de soins par la suite, une fois que ceux-ci seront à nouveau payants.
Car il va sans dire que la situation va créer une dissonance dans l’esprit du public : en effet comment une prestation peut-elle avoir une valeur en présentiel et ne rien valoir à distance ?
L’emballement général a provoqué une mise en place mal pensée car hâtive, et perdant toute logique car excessive.
Pour les thérapeutes qui ont proposé des prestations non payantes par la force des choses, on peut se demander quel investissement ils y ont mis dès lors qu’ils ne l’ont pas fait avec le cœur.
La fermeture de leurs lieux d’exercice les ayant privés de revenus, il aurait pourtant été vital que ceux qui avaient l’opportunité de poursuivre leur activité à distance le fassent de manière rémunérée.
D’autre part, le débat sur la gratuité qui a alors eu lieu au sein de la profession en dit long sur notre difficulté à gérer cette notion encore aujourd’hui.
Je présenterai la nécessité de facturer ses services en 7 points :
Primo : tout travail mérite salaire, et ce, indépendamment du niveau de satisfaction du receveur en fin de séance, et que les résultats soient ou non au rendez-vous. Rappelons à ce propos qu’il n’y a pas d’obligation de résultat dans le soin ou la santé en général.
Feriez-vous travailler quelqu’un gratuitement ? L’argent étant nécessaire dans notre société pour vivre, il est donc normal que vous soyez payés pour subvenir à vos propres besoins. En ce qui concerne le montant de vos prestations, si vous avez fait votre étude de marché et que vous êtes dans les prix pour votre activité, alors de ce côté-là pas de gêne à avoir non plus. Et à moins que vous soyez un génie du marketing, vous ne travaillez pas 8h pleines par jour non plus : ne vous comparez donc pas à un salarié du privé. Il faut d’ailleurs savoir qu’en région parisienne, en-dessous de 80 €/h un praticien ne se paie pas…
Ce premier point devrait vous permettre de savoir comment réagir au fameux argument « c’est trop cher ».
Renvoyer son interlocuteur aux tarifs du marché suffit à lui apporter une réponse, car généralement s’il oppose cet argument c’est tout simplement qu’il ne connaît pas les prix dans le domaine d’activité en question.
Dans ce genre de cas, il convient de ne surtout pas :
a) se justifier outre mesure, car c’est une preuve de manque de confiance en soi et c’est énergivore,
b) prendre l’argument personnellement : ce n’est pas votre travail qui est ici dévalorisé, votre interlocuteur réagit au montant pur, décorrélé de la prestation fournie en échange,
c) remiser systématiquement vos services, sinon cela confirme à votre interlocuteur que le prix d’origine était bien disproportionné. De plus vous devrez lui appliquer cette remise à vie…Voire à ses connaissances également !
Vous pouvez en revanche présenter les stratégies commerciales que vous avez mises en place pour l’encourager à tenter l’aventure (via un programme de fidélité par exemple, c.f. partie III Les rôles du thérapeute 4) aspect commercial).
Secundo : c’est une question d’échange. Ce n’est pas parce que vous fournissez une prestation dont le résultat n’est pas un produit palpable que vous n’y investissez pas de l’énergie. Inviter des personnes à dîner est noble, mais si votre réfrigérateur est vide qu’allez-vous leur servir ?
Entendez par là qu’assez logiquement si l’on ne reçoit rien, on ne peut donc rien donner en retour. Alors évidemment cela peut être sous forme de troc, d’échange de services, de participation libre ou bien d’un tarif fixé en fonction des revenus du receveur, etc. l’essentiel étant qu’il y ait toujours cet échange.
Tertio : il s’agit de respecter de votre travail. Quelle valeur accordez-vous à votre propre savoir-faire ? Très clairement si vous ne vous faites pas payer, ce que vous proposez ne vaut donc rien. Et une fois que vous avez commencé à travailler gratuitement, qui acceptera de vous payer le cas échéant ?
Notez à ce propos que de nombreux praticiens voient le nombre de leurs rendez-vous croître lorsqu’ils augmentent leurs tarifs…Et oui pour beaucoup le prix est malheureusement un gage de qualité !
Quarto : ne pas faire payer sa prestations ne rend pas service au bénéficiaire, bien au contraire. Peut-être avez-vous alors l’impression d’agir de manière désintéressée et donc pour le bien commun, mais cela ne fait du bien qu’à vous-même.
En effet vous mettez le demandeur en dette envers vous ; il se sent automatiquement redevable. Il arrive d’ailleurs que des personnes ne reprennent pas rendez-vous ou bien qu’elles s’énervent lorsqu’une remise leur est faite ! Il faut respecter la fierté du public qui vient vous consulter.
Quinto : cela fait le tri dans votre « clientèle » puisqu’une rétribution demandée, même minime, vous garantit un public véritablement intéressé par votre pratique et prêt à s’investir dans une démarche de soins. Il est d’ailleurs bien pratique d’avoir un site internet avec ses tarifs affichés, pour que les gens prennent rendez-vous en connaissance de cause, et qu’il n’y ait de mauvaise surprise pour personne.
Sexto : cela permet aux deux parties de s’investir. Le receveur qui paye pour un soin revêt alors le costume du client et reprend par là un certain pouvoir sur la séance. Son comportement change, il exprime des demandes et devient donc acteur du soin, s’impliquant dans celui-ci.
Quant au thérapeute, il bénéficie d’une pression positive pour réaliser un soin de qualité, et comme tout un chacun, il est motivé par sa rémunération.
Septimo : cela fixe un cadre de relations professionnelles qui évite les débordements et légitime votre travail.
L’argent doit être relativisé, et pour cela il nous faut revenir à son rôle premier, qu’Aristote définit de la sorte : « unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire des échanges ». S’agissant d’un échange de valeurs dans le but de subvenir à nos besoins, l’argent est à notre service et possède une simple fonction d’utilité pratique, qui doit nous inciter à le démystifier.
La difficulté aujourd’hui réside dans le fait que l’argent est virtuel, quasiment de l’ordre de l’énergie.
Historiquement, si nous opérions au départ par troc, nous sommes ensuite passés à une normalisation des paiements via des métaux de valeur fondus en monnaie.
Puis le papier a fait son apparition avec l’arrivée des billets et des chèques, posant déjà une question de perte de valeur à nos anciens, en référence au caractère précieux des métaux précédemment utilisés.
L’avènement du numérique a ensuite démocratisé la carte bleue, puis les virements et prélèvements, accentuant le côté désormais immatériel, voire même virtuel de l’argent.
De sorte que si à l’origine la vue et le toucher étaient gage de sa valeur, de nos jours on ne le voit même plus, son estimation est fonction des marchés, et tout cela, disons-le, nous dépasse.
Devenu impalpable, abstrait, les dossiers de surendettements que cela engendre s’accumulent : les gens ne savent plus comment gérer leur argent qui est devenu, de fait, une source d’angoisse.
Là est tout l’intérêt de recevoir un paiement de la main à la main, d’être rémunéré pour une prestation réalisée, car cela reconnecte à la fonction première de l’argent et participe à lui redonner une valeur directe.
Et comment parler d’argent sans parler du travail qui le génère ?
Force est de constater que les origines étymologiques du mot « travail » comme du mot « labeur » ne sont pas très réjouissantes…Il ne s’agit que de torture, de souffrance, et pour le christianisme d’une action visant à expier le péché originel.
La connotation désagréable liée au travail n’épargne donc pas l’argent gagné en contrepartie.
Car en effet il est communément accepté qu’il faille se donner du mal pour gagner de l’argent, et ce dernier revêt alors un caractère sacré, voire est diabolisé. Il est accumulé par peur d’en manquer et devient finalement le but premier du travail, quitte à exercer un métier désagréable ou dans de mauvaises conditions.
Ce qui devait être un simple moyen de subsistance est alors devenu un objectif capricieux, car éternellement insatisfait.
Quel paradoxe qu’il y ait un prix à payer au fait de gagner de l’argent !
Et si l’on se recentrait sur l’essentiel ? Nous avons fait de la nécessité de gagner beaucoup d’argent une condition pour bien vivre, alors que nous en sommes en fait devenus les esclaves. A quoi nous sert de dépenser dans des plaisirs passagers pour soulager notre souffrance quand le bonheur se trouve en soi ?
Dès lors qu’avons-nous besoin de toujours gagner plus ?
Les thérapeutes en médecines alternatives exercent des métiers de passion au quotidien, mettant ainsi un terme à l’association du travail à l’idée de souffrance.
Mais de manière générale, avoir une profession plaisante ne devrait pas générer de la culpabilité à se faire payer en échange.
Au regard du but premier de l’argent et de la pression sociale décelée, il convient donc de se décomplexer par rapport au fait de facturer ses prestations : être payé, c’est normal.
Dès lors que vous adopterez ce positionnement, que vous accepterez que ce que vous facturez vous revient de plein droit, vous démystifierez alors l’argent, et vous constaterez que vous ne rencontrerez plus de difficulté à vous faire payer. Mieux : vous attirerez les propositions rémunérées.
Par conséquent que vous soyez débutant ou confirmé n’hésitez pas à vous faire payer à la hauteur de votre travail (nombre d’années d’études et coût de l’école, loyers du cabinet, frais quotidiens engagés, charges fixes courantes, réalité du marché…).
Si vous ne vous sentez pas encore légitime dans votre pratique et que faire payer vous met la pression, vous pouvez tout à fait proposer un tarif « découverte » ou un prix de lancement dès lors que vous précisez le caractère exceptionnel de l’offre. Ainsi vous aurez par la suite les mains libres pour augmenter vos prix sans avoir à en être gênés.
Si l’implication du receveur lui garantit bien une bonne intégration des soins et dynamise le suivi thérapeutique, le fait de proposer une prestation payante est sans conteste engageant et doit aller de soi. Le praticien a quant à lui également un rôle important à jouer dans la qualité du partenariat.